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le blog du nain de jardin masqué
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1 juin 2010

Bonheur en vue.

Chapitre 1 (2/3)
Peu à peu la fraîcheur matinale s'estompe.
Paris vit déjà.
A cent à l'heure.
Moi je n'en ai pas envie.
Je veux aller sur les quais de Seine.
Je quitte mon hôpital et je m'engouffre dans le métro.
Les autres sont en vêtements d'été, et moi je suis enfoui dans mon duffle coat.
Tuileries ...
Je descends les marches.
Air pur.
Si pur que j'ai honte de le respirer.
Il est si bon...
Je suis si mauvais.
Mais cet air j'en ai besoin, c'est lui qui va m'aider à vivre .
A respirer à pleines bouffées cette vie qui va couler pour quelque temps encore dans mes veines.
Des gens dans le parc me frôlent.
Quelques jeunes cadres viennent courir avant la course qu’ils méneront contre leurs affaires.
Des papys avec leur chien.
Des mamies avec leurs petits-enfants.
Et moi.
Je marche vers mon coin.
Mon arbre.
Celui à qui je me confie lorsque le plafond est trop bas pour que je puisse garder la tête haute.
Mon arbre.
Il a ses branches qui viennent mourir dans la Seine.
Il a la tête haute.
Fiére, qui domine cette riviére qui coule à ses pieds depuis des années.
En face, le soleil frappe dans cette ancienne gare devenue musée.
Je n’y aurais jamais mis les pieds dans ce placard à tableaux.
J’irai, peut-être si la vie m’en laisse le temps.
Je pense tout à coup à toutes ces choses que j’aurais aimé faire, et que je n’ai jamais faites.
J’ai vécu comme si ma vie n’avait pas de limites.
Pourtant à un croisement de cette vie, j’ai du faire le mauvais choix, car il me semble que j’arrive dans un cul de sac.
Toutes ces choses que je vais devoir accomplir tant qu’il me reste de la force.
Et puis tant pis.
Tant pis si je rate certaines choses.
Ma vie n’a pas été aussi moche que cela.
Je regrette juste certaines choses. Certains actes.
Mais tout cela représente ma vie.
Je devrais plutôt en être fier. Car tout cela a fait ce que je suis aujourd’hui.
J’ai toujours été cet éléve. Ni bon, ni mauvais qu’on ne sait où classer.
Ni cancre, ni référence.
Participant çà et là aux travaux, mais sans trop se faire remarquer. Les rentrées se succédant. Passant d'un lycée à l'autre.
Oh je n'étais pas un dur, mais il est vrai qu'au bout d'un moment, les professeurs me supportaient difficilement.
Et puis ma scolarité s'est quand même poursuivie.
Mon bac en poche, il fallut bien me décider à faire quelque chose.
Je voulais être écrivain. Ou journaliste, car un bon journaliste doit savoir écrire, raconter des histoires aux gens. Et j'avais envie de raconter, de parler. De noircir des pages. Je voulais faire une école. Cette fois-ci, c'est moi qui choisissait de devenir un élève qui apprend.
Devant cette volonté nouvelle, mes parents se résignèrent à me laisser partir pour Paris.
Mamie, toujours si bonne me laissait un appartement qu'elle avait dans la capitale, et papa m'octroyait le
smig pour vivre.
Paris.
Quand j'y arrivais pour la première fois, tout me semblait beau et laid.
Beau, parce que nouveau.
Laid, parce que ma belle Méditerranée était remplacée par cette Seine si grise et si sale.
L'appartement était digne de ma grand-mère.
Fantasque et baroque.
Rien n'avait bougé depuis les années où elle avait vécu ici à Paris.
Chaque meuble, chaque objet, avait une histoire.
Je lui demandais la permission d'en faire disparaître quelques uns pour que je puisse poser mon grain de sel, çà et là.
Et puis je remplis l'appartement de plantes vertes, des palmiers aux longues feuilles pendantes, pour ramener ici le soleil que j'avais laissé là bas.
La Seine continuait de couler ici, sous mon arbre...
Le soleil me chauffe le dos à travers l'épais feuillage.
Il fera beau aujourd'hui.
Normal, nous sommes au mois de Juin. Les filles qui passent sur les quais portent déjà ces robes qui annoncent les vacances : fraîches et légères.
Il y a des cerises sur la jupe de la dame qui passe à côté de moi. Elle me regarde, moi, engoncé dans duffle coat et elle les bras au soleil.
Une fois passée à ma hauteur, elle continue à me suivre des yeux.
Elle a senti ma peine et son regard semble me donner courage.
Courage!
Il va m'en falloir. Pour m'annoncer à moi même ma fin prochaine.
Pour annoncer à ma famille que je suis pédé !
Qu'en plus de cette tare je ne vais pas tarder à crever.
Fin triste et sommaire de l'ange blond.
Ange déchu.
Ange déçu.
Ange décevant.
Que diront papa et maman qui ont toujours feint de ne pas comprendre.
Souvent grand-mère me posait la question de sa descendance.
Et moi je fuyais.
Fuir.
Comme cette eau qui coule à mes pieds.
Qui quitte sa source pour aller se jeter on ne sait où.
D'ailleurs tout le monde s'en fout.
De la Seine, du sens des cours d'eau.
De moi, de ma vie...
Que va-t-il se passer maintenant?
Edouard osera-t-il encore boire dans le même verre que moi?
Lynda me laissera-t-elle jouer avec ses enfants?
Je me le demande.
A Nice, ma soeur avait très vite compris les changements que la capitale opérait en moi.
De ma célébrité, de ma vie privée, nous ne parlions que très peu.
J'étais le grand frère qu'elle n'avait toujours observé que de très loin...
Parfois, elle glissait sur mon terrain, me parlant de Sida, de libertés sexuelles et d'homosexualité.
Me disant que si les homos étaient heureux, tant mieux.
C'était leur vie après tout.
Leur vie oui.
Et leur mort?
Et leur fin?
Et la mienne?
Ce bout de papier dans ma poche représente la chronique d'une mort annoncée.
Il faut que je me ressaisisse, si je veux mordre la ...
Quoi déjà?
Oh oui la vie!
Si je veux la mordre à pleines dents, il faut cesser de me lamenter, cesser de chercher des plaintes.
Finir mes complaintes.
Je dois vivre !!!
Je veux vivre.
J'ai envie de ramasser un pavé et de le jeter dans la verrière de la gare d'en face.
Il faut faire tomber des vieux à priori.
Un jeune étudiant brun est venu s’asseoir à côté de moi. Je dis étudiant, parce qu'il en a tout l'heure.
Un duffle coat léger, une chemise blanche, des petites lunettes cerclées d'écailles et cette petite sacoche  noire de mise lorsque l'on est un bon étudiant qui se respecte.
Il me sourit.
J'avais oublié que nous sommes lui et moi sur quai de drague.
Lieu de rendez-vous des putes, des provinciaux en mal d'extase, des michetons, des étudiants, bref nous sommes sur ce que les parisiens appellent Tata Beach.
Que me veut-il lui ?
Est-ce qu'il me veut entier ?
Moi et cette nouvelle vie qui est en moi ?
Moi et mon locataire?
Celui qui ne partira que lorsque les travaux de démolition seront terminés ?
Deuxième sourire!
Drague-t-on si tôt maintenant à Tata Beach?
Cela faisait longtemps que je n'étais pas venu ici.
Un an presque, car nous avions pour habitude le soir de la saint Jean de nous réunir, nous les trois copains qui avions le même saint patron et de faire ce soir là un bon gueuleton et quelques agapes !

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Commentaires
P
c'est fort bien écrit mon cher nain, belle plume pour ton retour après une longue période .... phil de la rue C du G
O
Nain, vous nous faites revivre la fin des années 70 et les années 80 ?
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