Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog du nain de jardin masqué
le blog du nain de jardin masqué
Derniers commentaires
Archives
31 mai 2010

Bonheur en vue.

Chapitre 1 (1/3)

Le réveil venait de sonner 6 heures, il fallait que je me lève et je n'en n'avais pas forcément l'envie.
Je dirais même, je n'en n'avais pas envie du tout.
Pourtant il fallait que je me lève, et ce ciel bleu apparu dans un coin du store me cassait encore plus le moral.
Ce jour, qui pour moi allait être un jour deuil.
Je le savais.
Jour de deuil de mes amours passées.
Ce jour était triomphant.
Paré de bleu, surligné légèrement de blanc.
Donnant ça et là une impression de conformité.
Au loin pointait le soleil rose.
Dans mon cœur pointaient des sentiments moroses.
Pourquoi tout m'était tombé dessus et si vite ?
J'étais jeune encore !
Jeune.
C'est la première fois que je revendiquais cet état.
L'âge n'avait jamais compté pour moi.
D'ailleurs je me trompais à chaque fois que je devais le donner.
Non pas par coquetterie, mais simplement parce que je m'en foutais.
Six heures quinze.
Toutes ces considérations allaient me faire oublier mon rendez-vous.
Très vite je rejetais les draps de ce grand lit à deux places : ce lit que j'aimais voir rempli de mon corps et de celui de l'autre.
Mais aujourd'hui, je le voulais vide.
Vide de tout.
De sentiments.
Simples ou exagérés.
De microbes.
De cette chose qui a envahi mon corps et qui n'en sortira qu'en même temps que la vie.
Cette vie qui coule encore pour l'instant à plein flots ...
Mais pour combien de temps encore ?
Salle de bain.
Douche.
Entretien extérieur d'un corps qui se désagrège de l'intérieur.
Pas de petit déjeuner.
“Juste un café“ m'a dit l'infirmière au téléphone, lorsque j'ai pris rendez-vous pour ce matin.
“Juste un café“.
Encore faut-il avoir envie de l'avaler.
J'ai envie de ne mettre pour sortir que des vêtements que j'aime, dans lesquels je me sens bien.
Je n'ai pas envie d'affronter cette vie autrement.
Cette journée non plus d'ailleurs.
Je me blottis dans mon vieux duffle coat.
Même si dehors l'air est doux, j'ai envie de mettre ce manteau que portent plus couramment les enfants, et qui justement, aujourd'hui, me donne l'impression de revenir en arrière ...
Si je pouvais, je mettrais cette capuche qui pend dans mon dos, comme pour me protéger du monde extérieur.
Comme pour éviter cette agression.
Agression contre laquelle, je ne peux rien, puisque les coups portés viennent de l'intérieur et ont déjà atteint les plus profondes parties de moi-même.
Pourtant ma vie avait bien commencé : j'avais tout pour être heureux.
Certes mes parents n'étaient pas richissimes, mais le sort avait voulu que je vois le jour sur la Côte d'Azur, du côté de Nice.
Endroit paradisiaque et envié du monde entier ...
Maman avait dit en me voyant : “il s'appellera Jonathan“. Car jusqu'au jour de ma naissance, et par superstition, aucun prénom n'avait été choisi..
Jonathan.
Le premier garçon de la famille.
“Le petit ange blond“ avait lâché ma grand-mère en me voyant.
L'ange blond.
Ces deux mots accolés me font rire ce matin.
Blond, oui je l'ai toujours été, et le suis resté.
Je suis fier de l'être.
Fier de mes racines viking.
Fier de ma dureté extérieure.
Fier de moi.
Au point d'avoir avancé tout au long de cette vie, en écrasant parfois les autres.
Ange.
Il paraît que les anges n'ont pas de sexe.
Pourtant ce matin, si je me dirige vers ce maudit hôpital, c'est que justement j'ai un sexe et que je m'en suis servi.
Et puis ces dernières années, je n'ai pas vraiment vécu comme un ange ...
Où dois-je me rendre déjà ?
Bâtiment S, deuxième étage, cellule vingt-quatre.
Pourquoi cellule ? Mot étrange ...
Ma vie va-t-elle finir dans une cellule, comme la vie d'un prisonnier politique dans les geôles des pays qui  adhérent à Amnesty Internationale ?
Je sais, ce matin, j'ai rendez-vous avec le médecin qui doit me donner les résultats de mon analyse médicale.
Lettres et chiffres.
Nous ne sommes plus que des lettres et de chiffres, une fois rentrés dans l'univers médical.
Numéro de dossier accolé à mes initiales.
L'infirmière à l'entrée, a pris mon nom qu'elle a associé à un numéro. Puis elle m'a proposé de m'asseoir en attendant que l'on m'appelle. Il n'y avait rien dans ses yeux.
J'aurais aimé un sourire.
Un peu de compassion.
Mais cette fille pouvait-elle être compatissante avec tous les malades qu'elle voyait ?
De toute façon, certains de ces malades ne verraient pas la fin de l'année.
Verrai-je Noël ?
Le médecin qui m'a reçu dans son cabinet cagibi m'a confirmé ce que je craignais.
- Séropositif -
Un mot froid et sec lâché dans l'air chaud de cette journée qui commençait à peine.
- SIDA -
Oui, car séropositif ne veut pas forcément dire malade.
Mais malheureusement, chez moi certains signes ne trompent pas.
La maladie s'est développée dans mon corps.
Elle m'a déjà atteint et touché.
Je sais qu'il va falloir que je revienne.
On va me prescrire un traitement.
Mais je n'irai pas mieux.
Il y aura des mieux. Ils ne seront que des stabilisations dans la déchéance.
Pas seulement dans mon corps.
Dans mon esprit aussi.
Alors c'est décidé.
Je vais écrire une dernière fois.
Je vais tout raconter.
Tout dire ce qui me passe par la tête.
Je pense à tout cela pendant que mon jeune médecin m'explique tout.
De puis le traitement jusqu'à la prise en charge par l'état.
Que l'état me laisse dans mon état.
Je veux vivre et je sais que je ne pourrai pas.
Alors qu'on me laisse.
On me fait prendre un rendez-vous pour bientôt.   
Je viendrai chercher mes médicaments ici, on ne me les donnerait pas en pharmacie.
Je quitte mon médecin en le remerciant.
Il dit qu'il me trouve fort.
Normal, je suis un viking.
La petite infirmière sourit cette fois en me donnant un rendez-vous pour la semaine prochaine.
Elle me sourit gentiment.
Peut-être qu'elle ne faisait pas la tête tout à l'heure.
Peut-être partageait elle simplement mon angoisse.
Je sors.

Publicité
Commentaires
Publicité
le blog du nain de jardin masqué
Catégories
Publicité