Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog du nain de jardin masqué
le blog du nain de jardin masqué
Derniers commentaires
Archives
12 juin 2010

Bonheur en vue

Chapitre 3 (4/4)

Charles, je te cherchais!

Pour me nourrir de ta vie.

Pour regonfler mes envies.

Rien ne me retenais.
De mon passé.
De mon présent.

Ils étaient tous là, nos vrais et nos faux amis.

Ceux qui nous souriaient et qui ne décrochaient jamais leur téléphone pour des nouvelles.

Ou alors si.

Pour un service.

L’un d’entre eux m’avait une fois jeté à la figure, que si j’étais à la télé,  c’est que j’étais influent. Que j’avais le bras long. Et que je devais penser aux autres.

“Le soleil doit briller pour tout le monde.“

Ils m’écoeuraient ceux-là.

Je n’avais même pas envie de me fendre d’un sourire à leur égard.

On allait encore me traiter de petit parvenu.
De sale hypocrite, de mec odieux.
D’égoïste.
Tant mieux.

Ils n’avaient pas partagé ma peine. Je ne vois pas pourquoi je me forcerai à leur faire partager mes joies.
Dans un coin j’avais aperçu Sophie, c’était la seule présence qui me rappelait mon bureau.

C’était la seule que j’avais bien voulu présenter au groupe.

Peut-être parce que sexuellement je me sentais proche d’elle.

Nous ne nous étions jamais réellement affirmé en public, et pourtant dés qu’elle était entrée dans mon équipe, j’avais tout de suite compris que Sophie était différente.

Alors, rien que pour cela j’avais voulu qu’elle soit proche de moi.
De plus en plus proche, aussi.
C’est elle qui avait tout repris en main, lorsque quelques mois auparavant, j’étais redevenu un enfant.
Son enfant, aussi.

Sans doute.
Ce soir, encore plus que cet après-midi, à l’appartement, je la trouvais radieuse. épanouie.
Je la sentais complice.
A son regard, je comprenais qu’elle était heureuse que je sois là.

Le nouvel appartement de Jean n’était pas encore meublé.

Il venait juste de finir les travaux.
C’était immense.

Haut de plafond, avec un grand escalier et une balustrade.

Là-haut, il devait y avoir une chambre.

C’était lumineux.
Paris et sa clarté de début d’été envahissaient les lieux par les larges baies vitrées.
Elles étaient ouvertes et le brouhaha de la ville qui était à nos pieds se mélangeait à celui des nombreux invités.
Mes yeux couraient partout sans se poser, pour éviter les regards trop appuyés de ceux qui auraient pu en profiter pour me poser des questions.

Ces fouines-là, je les connaissais et mes longues années d’interviews m’avaient appris à les éviter.
“Alors, comment tu la trouves sa nouvelle garçonnière ? “

Ça, ça ne pouvait être que l’autre Jean, toujours le même humour !

Les mêmes sarcasmes.
Je ne pouvais trop rien dire, parce que j’étais un peu comme lui.
Toujours sur la défensive.
Mordre avant d’être mordu.

La devise des grands timides, somme toute.

“ Tu crois qu’il nous passera les clefs, si jamais ... Ou bien est ce que tu penses que l’on pourra encore organiser quelques après-midi avec de jeunes garçons qui ne demandent qu’à connaître les plaisirs chastes de la nature ? “

Le mot chaste dans sa bouche prenait une autre dimension.

Celle de l’impossible.

Même à quatre pattes, complètement bourré, il en aurait encore redemandé.

“Plus pour moi, excuse moi Jean, mais ce soir, je suis là en touriste, je ne chasse pas.

Je me dégageais et je continuais à découvrir ce lieu qui me plaisait et que j’aimais déjà un peu.
Grand.
Blanc.
Simple.
Avec de la lumière.
Chaude.

Et puis ce grand escalier qui partait là-haut vers un autre ailleurs.

Des jambes pendaient à travers la balustrade, je ne les avais pas vues tout de suite.

Maintenant, elles m’obsédaient. A qui pouvaient-elles appartenir ?
J’entrais seul dans mon jeu.
Je voulais savoir, mais je retardais une fois de plus le moment de mon bonheur.

Je sabrais mon envie.

Alors que j’allais enfin me résoudre à lever les yeux, on me tira par l’épaule.

Merde !

J’avais relâché ma surveillance.
Nicolas !
Le profiteur.
Le ringard.

Le raté.

Celui qui se raccrochait à l’un pour dire du mal de l’autre.

Son manque de talent, il le mettait sur la faute à la vie.

A pas de chance.

Mais cela n’était certainement pas du à lui.
Qu’allait-il m’inventer ce soir ?
Quel grand job avait-il manqué ?
Quel boulot de reporter au bout du monde avait-il loupé ?
Quoi qu’il arrive, il les aurait manqués de toute façon.
C’est pour lui que j’avais inventé l’expression: “le manqué de la vie“. La vie ne l’avait pas oublié, elle l’avait manqué.
Tout simplement ...

J’avais mis du temps à le comprendre.
Comme les autres, j’avais commencé par le plaindre. A force j’avais fini par l’apprécier. Par l’aimer.

Je l’invitais partout.

Lui donnant des petits boulots.
Pourtant un jour, Sophie avait fini par me faire comprendre qu’il était à côté de la plaque, et que je ne lui rendais pas service en faisant cela.

Il fallait le mettre au pied du mur.
Pour qu’il s’en sorte.
Pour qu’il remette sa vie sur les rails.
Ces derniers temps j’avais eu de bons prétextes pour ne pas le voir.
Mes déboires avaient été pour lui l’occasion de m’oublier.
Et ce soir s’il m’accostait, ce n’était sûrement pas pour me demander un service.

Non.
Il voulait savoir, pour tenir au courant son petit clan de pédales incapables, mais si culturellement “in“.

Pauvres filles.
Les Reines de le Nuit !

Les drags queens en mal de sensations.

Je ne leur en voulais pas qu’à elles mais aussi toute cette clique qu’elles représentaient, tous ces pédés, artistes ratés.

Drapés dans leur dignité, ils disaient encore vingt ans après à qui voulait bien les entendre, que c’était la vie qui ne les avait pas compris.

A l’aube de la quarantaine, il leur fallait encore des paradis imaginaires pour exister.
Les raves étaient arrivées au bon moment pour tous ces gens-là.

Pour cent francs à l’entrée de chaque boîte, ils achetaient leur extase qui les mettrait en valeur jusqu’au lendemain.

Jusqu’au premier coup d’oeil dans le miroir.
Jusqu’au premier pas dans leur réalité lugubre.

Parfois, j’aurais aimé être cette fameuse petite souris, pour voir la gueule du type se réveillant à leurs côtés.
Au niveau de l’extase, ce n’était plus un petit bonbon qu’il fallait pour les supporter, mais un sachet tout entier.

La techno était devenue leur univers.

Et ceux qui n’y comprenaient rien, étaient forcément des pleutres.

“Alors l’affreux Jojo, que devient-on ? “

Mon dieu, mais quelle connerie !

J’osais à peine y croire.
Nicolas qui avait déjà fait ce coup là devant moi à des pauvres types rongés par le virus, les kaposis, amaigris, au stade le plus avancé de la maladie.

Nicolas, me resservait à moi cette même soupe qui puait le réchauffé.
Une vraie soupe à la grimace, oui.

Mon poing dans la gueule partit sans que je puisse me retenir, et surtout sans que je puisse comprendre vraiment pourquoi.
Moi, le non-violent, je venais d’agir sans réfléchir.
Laissant mon instinct me guider.
“ Je reprends des forces vois-tu ! “

Puis je tournais les talons, laissant sa cour papillonner autour de lui, non pas pour le soigner, mais surtout pour bien voir l’étendue des dégâts, pour mieux colporter la nouvelle au dehors.

Personne n’avait compris ce qui s’était passé.
Ou plutôt, personne n’avait eu réellement le temps de comprendre ce qui s’était produit.

Je bousculais les gens, en même temps je levais les yeux au ciel, plus de jambes pendantes.

A cause de ce péquenot, je ne saurai peut-être jamais qui avait ainsi pu attirer mon regard.

Je regrettais de moins en moins mon coup de poing dans la figure de l’autre con.

En un instant, cet appartement était devenu gigantesque.

A mon arrivée, j’avais à peu prés, comme à mon accoutumée, repéré tout le monde.

Pour le moment tout semblait en ordre, chaque personne à sa place, hormis peut-être dans le couloir, là-bas au fond.

Quelqu’un remettait précipitamment son manteau, comme s’il voulait fuir.

Un danger.
Quelqu’un.

Le temps que la porte s’ouvre, j’avais compris.

En un éclair j’avais reconnu ce visage qui m’était familier sans l’être vraiment.

Charles.

Publicité
Commentaires
P
on attendait Karim! comment Charles peut il être là? le Nain tu joues avec nos nerfs ! tu es notre Eugène Sue notre feuilletoniste...
O
Ça vaut la peine d'attendre la suite !<br /> Charles revient, je m'attendais à Karim.
Publicité
le blog du nain de jardin masqué
Catégories
Publicité