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le blog du nain de jardin masqué
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11 juin 2010

Bonheur en vue

Chapitre 3 (3/'4)

De retour à l’appartement, il y avait quelques messages. Je n’avais jamais effacé le dernier laissé par Karim, je ne pouvais pas m’y résoudre et pourtant j’aurais du le faire. Laisser partir les traces d’un passé que je ne devais plus ressasser.Et puis, comme je disais souvent, sur mon répondeur ce soir, il y a avait des traces de passage me demandant de laisser des nouvelles fraîches.

Envie ou curiosité de leur part ?
Beaucoup n’arrivaient pas à comprendre pourquoi Jonathan Guibert s’était ainsi immolé en pleine gloire .
Il devait y avoir quelque chose de grave !

Une maladie .
Dans le showbizz, quand on perd quelques kilos, ou lorsqu’on disparaît de l’affiche, c’est que l’on est forcément malade.
Que leur répondre?

Que j’allais bientôt crever ?
Que j’allais m’évanouir un jour comme ça?
Partir moi aussi en fumée et ne laisser quelques cendres ?

Jean s’énervait sur ma machine à répéter les paroles. Il me disait que c’était la dernière fois et qu’il ne m’appellerait plus jamais, qu’il allait m’abandonner si je ne lui donnais plus signe de vie.

Lui, le vieil ami de toujours.
Le copain de biture et de bitume.
Est ce que j’avais réellement envie d’aller à une fête qu’il organisait chez lui, à l’occasion de la fin de l’année, de la saint Jean et de tout le reste ?
Celle de l’année dernière ne m’avait pas porté chance quoi qu’on en dise.
Mais il fallait être sociable, devenir adulte aussi.
Ou humain.
Du coup je repensais à mon type de tout à l’heure dans le métro.
Avait-il des amis qui pouvaient lui égayer un peu la vie ?
Parce-que moi, oui j’en avais.
Je repensais à Charles aussi.
Celui-là, n’allait pas me lâcher le cerveau de si tôt.
Je m’étais pris à mon propre pigée. Tant pis, il fallait assumer.

J’allais affronter les regards des autres et j’irai à cette fête.
Que pouvait-il m’arriver de pire en ce moment ?
Rien .
Et ce n’étaient pas quelques ringards, hasbeen ou branchés qui pouvaient me faire mal maintenant.

Tout avait été dit, écrit sur mon compte.

L’affaire de l’année dernière m’avait fait connaître mes vrais amis et Jean était de ceux-là.

Ce soir, je n’avais pas le droit de l’oublier.

J’irai à sa fête et je serai superbe.
Pour les emmerder tous, ces donneurs de leçons à la va vite.
A la con!
Tous ces moins que rien qui pensaient que la vie c’était eux.
Et puis il y avait aussi tous ceux que j’aime. Alors pourquoi m’en priver ?
Je savais aujourd’hui que chaque minute de bonheur était bonne à prendre.
Bonheur. Je ne savais plus trop bien où il était celui là, mais j’avais pris la décision de le trouver.

La grande claque morale que m’avait collée Charles ce matin, m’en donnait la force.

L’envie surtout.

Si, comme le disent certains, il y a une vie après la mort, alors Karim; de là où il était, devait sourire comme d’habitude de ses belles dents blanches.

Lui qui se plaisait à me répéter sans cesse :

“Jonathan, tu n’aimes pas le bonheur, il te fait peur. “

Peut-être avait-il raison.

Peut-être tout simplement aussi, qu’à l’époque je n’avais pas le temps de me soucier du bonheur.

Lui n’en avait pas besoin, il était toujours plein de cette joie de vivre qui parfois m’énervait.

Ce que je prenais pour de l’insouciance, n’était en fait qu’un formidable appétit de vie.

Il la goûtait, la dévorait pleinement.

S’il n’avait pas eu cette forte culture arabe, j’aurais pu dire qu’il avait sous certains aspects, des penchants rabelaisiens.

Un jour, que nous étions en train de vivre avec force, un instant de joie et de liberté, je l’avais traité de jouisseur.

Ça l’avait choqué au prime abord, et puis il s’était retourné vers moi, superbe, et il m’avait hurlé à la figure que j’avais raison.
Il jouissait de tout, de sa jeunesse, de l’argent qu’il gagnait bien ou mal, de son sexe aussi et cela le rendait heureux.

Nostalgique parfois.
Mais heureux tout de même.

Je n’avais pas compris tout cela.
Je n’avais pas eu le temps de comprendre non plus.
la vie qu’il aimait tant me l’avait arraché.
Alors aujourd’hui ma bestiole personnelle pouvait bien me démolir la mienne aussi.
Je m’en foutais un peu.
Pas mal.

Pour exprimer le fond de ma pensée.

Ce soir je me foutais pas mal de ce que tout ce petit monde pourrait imaginer en me voyant arriver chez Jean.
Pour l’instant, j’éprouvais des sensations étranges.

Je pense que, si ce matin à mon réveil, j’avais pris des notes, elles seraient à cent lieues de retranscrire ce que j’étais en train d’éprouver à l’instant.
Mon corps se réveillait.
Mes sentiments aussi.

Bordel ! Pourquoi n’avais-je pas accepté la main tendue de Charles ?

J’errais dans mon appartement, tiraillé entre les pleurs et la joie de vivre.
Vivre, je venais de dire vivre.

Etonnant, non ? Pour quelqu’un qui sentait la mort.

Ou tout du moins qui en véhiculait l’idée.

Je mettais le disque de cette chanteuse que nous avions tant aimée.

Tant écoutée.
Ensemble.
Je rentrai dans la douche tout habillé, puis je laissais glisser l’eau sur mes vêtements et sur mon corps.

Je voulais être lavé de tout.

De mon passé.
De mon présent.

Je m’amusais avec le gant de crin à gratter ma peau, espérant sans doute faire sortir de mon corps toutes mes douleurs.
Physiques.
Morales.
Maux.

Râles.

Lorsque j’arrivais chez Jean, il fut d’abord surpris, puis sa joie m’étouffa. Ses bras ne voulaient plus me lâcher. C’est avec quelque mots idiots qu’il essayait de s’en tirer.

“Alors le nain, de retour dans la cour des grands ?“

Ma venue l’étonnait autant qu’elle le ravissait. Il pensait réellement que j’avais décidé de me mettre en retrait de la vie.
De fuir tout ce qui pouvait me rattacher au passé.
Il était un des seuls à savoir vraiment pour Karim.

Au début, il n’y avait pas cru.

Pour lui mon petit beur n’était qu’une passade rencontrée sur les quais.
Une histoire sans lendemain, comme les nombreuses que nous avions vécues ensemble dans les bouges infâmes de la capitale.
Pourtant, il s’était habitué à me voir, tant bien que mal avec ce nouveau venu dans ma vie.

Moi qui n’avait jamais eu personne ou presque, je m’étais entiché de ce gars et je l’avais imposé à tous ... ou presque.
Jean, lui s’était vite rendu compte que des choses avaient changé dans ma vie.
Je ne voulais plus sortir le soir, prétextant de nouvelles fatigues, alors que jusqu’à présent je n’avais eu comme réputation que celle d’un oiseau de nuit.

Ce soir l’oiseau allait redéployer ses ailes.
L’aigle était en vol libre, planant au dessus de vos têtes.

Attention les proies !

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