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le blog du nain de jardin masqué
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7 juin 2010

Bonheur en vue

Chapitre 3 (2/4)

Il s’en était passé des choses en un an.
Ma vie avait basculé.
La pente était difficile à remonter.
Sophie, jointe au téléphone me rassura.
Malgré ses nouvelles fonctions à la chaîne, elle voulait bien passer me voir.
Il y avait du ménage à faire avant qu’elle n’arrive.
J’avais oublié de vivre ces derniers temps.
Mon appartement aussi .
La poussière avait envahi les moindres recoins de ce lieu qui à l’origine me ressemblait.
Chaleureux.
Oui, quand même.
Bordélique aussi.
Des fringues, des bouts de tout et de n’importe quoi que je raccrochais à des lieux visités, à des gens qui avaient compté pour moi.

La première chose à faire était d’ouvrir ces grandes fenêtres pour laisser entrer l’air.
La vie.
En respirant à fond, peut-être que cette vie irait se cacher au plus profond de moi-même.
Jouer à cache-cache avec mon locataire H.I.V.
La partie allait être amusante et serrée.
“Chef, pour voir la vie, il faut sortir.“
Brave Sophie.
Elle avait raison.
“Il faut aller au-devant de la vie, Jonathan. Si tu restes prostré ici, cela va mal finir.“
La vie m’avait pourtant quitté de tous les côtés, depuis la disparition de Karim, depuis l’annonce de ma maladie, depuis mon retrait de la vie publique.
Mentalement j’étais mort.
Cet appartement était devenu mon caveau, et petit à petit je m’y ensevelissais avec plaisir.
“ Il faut virer les chrysanthèmes et leurs racines qui te bouffent le coeur. Il faut que les sentiments repoussent tu n’es pas mort, Jonathan.“
Non, c’est vrai je respire encore.
Je lui parlais alors de Charles et de ma rencontre aux Tuileries.
De ma fuite aussi.
Le courage me manquait réellement. Je ne savais pas si je pouvais encore dire je t’aime à quelqu’un, pourtant j’en avais une énorme envie.
Sophie me faisait bien comprendre que cette nouvelle bataille que j’avais à mener contre l’armée qui avait envahi mon corps, je pourrai sans doute la gagner seul, mais qu’un bon aide de camp me serait utile.
Je pouvais compter sur elle, c’est vrai.
Pour tout ou presque avait-elle ajouté en riant.
Elle sous-entendait que pour l’amour, il y avait quelques limites.
Je ne sais pas si j’avais réellement envie d’un nouveau corps qui viendrait se blottir contre le mien.
D’une chaleur autre que la mienne.
Des bras qui me protégeraient de moi-même et des autres.
Pourtant il fallait bien construire des remparts, pour combattre l’ennemi.
Charles aurait pu devenir cette citadelle.
Mais j’avais peur des remparts que l’on voulait construire autour de moi. Je n’avais jamais voulu que l’on régente ma vie, que l’on m’entoure de quoi que e soit. De prévenances ou même de marques d’affection.
Pourtant pour chasser les marques d’infection contre lesquelles je ne pouvais rien, il était important, et Sophie avait raison, que j’accepte l’affection des autres.
J’aurais voulu retrouver celle de Karim, mais pour cela il ne me restait que quelques grains de poussière, qui maintenant roulaient loin, là-bas dans ce désert qui était si grand et qui protégeait à jamais les traces de notre amour.
J’ai remis mon duffle coat et j’ai laissé Sophie en bas de l’immeuble pour aller retrouver mon arbre.
Il faisait doux encore mais ce manteau me cachait du reste du monde. En traversant les Tuileries, je regardais à droite et à gauche, espérant le voir, le retrouver.
Il y avait bien d’autres étudiants qui couraient dans tous les sens, mais pas le mien.
Pas de Charles à l’horizon.
L’eau de la Seine coulait toujours imperturbable à mes pieds et j’aurais voulu m’y plonger pour atterrir n’importe où, mais en tout cas loin d’ici.
Vue l’heure avancée de jeunes éphébes arrivaient pour se faire bronzer sur les quais.
Je devais avoir l’air con avec ce manteau d’une autre saison.
Avec ma tête d’une autre époque.
Certains me regardaient et me dévisageaient. Se souvenaient-ils encore de ma bobine ?
De qui j’étais ?
Je n’avais plus envie de leur sourire, puisque de toute façon, je n’avais pas besoin d’eux pour mon audimat du soir.
Dans le métro à côté de moi, il y avait un gars triste, le regard perdu. Loin au delà de ces publicités auxquelles on ne faisait même plus attention.
Il avait l’air si malheureux que j’avais presque envie de le prendre dans mes bras et de lui dire que je voulais partager sa peine.
Ça ne pouvait être qu’un chagrin d’amour qui lui donnait cet air perdu.
Il n’y a je crois que les peines de coeur qui arrivent à donner autant d’intensité à un regard, autant de relief à une douleur.
Ce qu’il était en train d’éprouver, de ressentir, je vivais avec depuis des mois.
Je vivais, je respirais, avec cette douleur qui vous dévore les entrailles, qui s’insinue lancinante, pénétrante, au plus profond du corps et de l’âme.
Bizarre, comme la vie avait pu me changer !
Bizarre, ce que j’étais en train de devenir !
Est ce que par hasard ce foutu virus qui était en moi, était aussi en train de changer ma façon d’être et de penser ?
Ça en aurait fait rire plus d’un, d’entendre mes réflexions sur quelqu’un que je ne connaissais même pas.
Moi qui avais la réputation d’un requin carnassier, passant son chemin, se contentant de dévorer sa proie pour mieux vivre, sans penser à l’autre.
Il n’y avait pas que du Sida là dessous.
Il y avait aussi Karim.
Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui.
A cette petite gueule de con qui avait foutu en l’air ma machine à sentiments.
Mes rêves étaient brisés, tout comme ma vie l’avait été au moment où tout s’était arrêté.
Pendant que je pensais à tout cela, l’homme à côté de moi m’avait souri.
Qui peut jurer que les homme ne se rejoignent pas dans la peine pour vivre d’autre bonheurs ?
Il avait du sentir ma compassion.
Quoi que non compassion, je n’aimais pas ce mot, puisque souvent, il lui était accolé la pitié. Je n’avais pas de pitié pour lui. J’avais mal pour lui. Je partageais la même douleur que lui.
Ça, il l’avait compris.

C’est ce que voulait dire ce sourire!

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Commentaires
P
où nous ménes-tu Nain? où allons nous?
C
Enfin de retour. Bon je vais me plonger dans le bohneur en vue
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