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le blog du nain de jardin masqué
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5 juin 2010

Bonheur en vue.

Chapitre 2 (3/3)

"Guibert, hier soir, vous avez prouvé que vous saviez tenir une émission, aussi nous pensons à la direction, qu’il serait grand temps de passer à un horaire d’adulte, c’est à dire un prime time."

Le directeur des programmes, en face de moi, pensait me faire plaisir.

Promotion ou casse pipe ?

"Vous savez, Louis-Etienne, je ne suis pas sûr d’avoir les reins assez solides pour aller jouer dans la cour des grands."

"Nous en reparlerons Jonathan, nous en reparlerons."

Foutre et bordels, voila ce qui pourrait résumer les nuits qui suivirent.

Le jour, je ne pensais même pas, et semble-t-il cela me réussissait. Mon travail plaisait.

J’étais devenu le robot de l’audimat.

De temps à autres, je chialais en écoutant des chan­sons gaies.

J’aurais voulu partir, mais ma vie professionnelle me retenait à Paris.

Dans cette ville, où j’espérais quand même retrouver Karim à chaque coin de rue.

Rien.

Personne.

Une nuit que je rentrais écoeuré du sexe des autres, j’aperçu dans la pénombre, un corps prostré contre ma porte.

Tandis que je cherchais la minuterie, une main m’agrippa l’épaule.

Je le reconnus tout de suite.

C’était lui.

Que faisait-il là ?

Allongé sur mon paillasson ?

"Ca fait des heures que je t’attends, t’étais où, tu reviens d’où ? Avec qui t’étais ?"

Avalanche de questions qui sonnaient étrangement, pour quelqu’un qui avait disparu de ma vie du jour au lendemain.

Est-ce-que je devais lâcher prise et le faire entrer ?

Mon corps, à l’envie de ses étreintes, céda à mon esprit.

Pourtant le souvenir du coup qu’il m’avait donné calma mes ardeurs.

Je le fis s’asseoir dans le canapé, il avait l’air triste et beaucoup moins sûr de lui que la fois précédente.

Je ne disais rien. je regardais l’animal et j’attendais ses réactions.

La bête sauvage semblait calme ce soir, bien trop.
Je rompis le silence le premier.

"Que me vaut l’honneur de cette visite ?"

"Rien, si ce n’est que j’avais envie de te voir !"

Egoïste.

Il suffisait que lui, ait des envies pour que je les satisfasse.

Karim est resté trois jours à l’appartement.

Tous les soirs je rentrais vite pour retrouver son corps et me blottir dedans.

Nous faisions l’amour de la tombée de la nuit au lever du jour. Il n’y avait plus aucune partie de moi-même qu’il n’avait caressée, touchée, embrassée.

Je retrouvais le gamin du premier soir.

Je pansais les blessures qu’il avait à l’âme, il guérissait mes ci­catrices d’amour.
Je ne voulais pas parler avec lui de sa vie d’aujourd’hui.

Il me racontait son enfance, le Maroc, sa grand-mère.

L’influence des femmes dans sa vie, puis la dé­couverte de son homosexualité qu’il était venu vivre en France, sous prétexte d’études de langues à

la Sorbonne.

Je m’habituais à le retrouver chaque soir à la maison, aussi lorsqu’il évoqua son besoin de s’en aller, je sentais qu’un bout de ma vie allait partir.

"Tous les mêmes, dès qu’on vous donne un petit bout de bonheur, vous croyez que la vie sera rose tous les jours."

Tous les jours, non, mais souvent, oui.

Cela fait tel­lement de bien, de ne pas être seul, de sentir le re­gard de l’être aimé.

De ne pas rentrer dans une maison vide et glacée.

Juste savoir qu’il y a quelqu’un  dans l’appartement qui n’attend que vous.

Quelqu’un avec qui dormir, contre qui se blottir si tout va mal, contre qui se lover si tout va bien.
Oui tout cela j’en avais envie pour moi, égoïstement, mais aussi "amoureusement".

Je ne pouvais pas le retenir, je n’ai jamais supporté de voir un oiseau en cage.

Le mien, une fois de plus, allait s’envoler.

Au boulot, c’était la dernière ligne droite.

Ça sentait les vacances.

La grande question était de savoir où nous pourrions bien faire la fête de fin de saison. de tout cela, je m’en foutais un peu.

Je laissais faire Sophie, je la laissais toujours faire quoi qu’il arrive !

Le grand patron me pourchassait, il voulait que l’on parle de la rentrée, je ne voulais parler que de mes vacances. Je voulais simplement fuir.

Karim m’avait donné des envies de désert, d’espaces vierges.

Je n’en avais plus rien à foutre de ce sacré audimat accroché dans l’ascenseur qui menait à mon bureau qui puait la clope et les faux-culs.

Je voulais des senteurs d’épice, partir vers l’infini, loin de cette civilisation "métro, boulot, salut coco !"

La dernière émission fut un chef d’oeuvre de connerie, on s’est lancé des confettis, de la flotte, on s’est tous embrassés, même ceux qui ne s’aimaient pas et on s’est promis de faire encore mieux l’année prochaine.

La fête a fini tard sur une péniche que Sophie avait réquisitionnée.

J’aurais voulu que Karim soit là, mais J’avais à subir les assauts de du président Louis-Etienne Mouriot, qui voulait à tout prix me parler de son prime time de rentrée.

S’il savait où il pouvait se la foutre son idée ! .

Pour le moment je n’avais pas du tout l’envie d’aller au casse-pipe, je ne rêvais que de vacances, on était  vendredi et, demain samedi, j’étais libéré de mes chaînes, de ma chaîne! .

J’allais pouvoir m’envoler, survoler ce cloaque des haines et des passions.

Laisser l’hypocrisie les étouffer tous.

Ça sert d’avoir une gueule connue, le petit steward de

la Royal Air

Maroc s’était arrangé pour me trouver deux places dans la journée pour Ouarzazate, décol­lage en fin d’après-midi, direction ailleurs.

Avec ou sans Karim, je voulais retrouver ses racines pour nourrir un peu les miennes.

A force de prendre sa sève en moi, je voulais pousser pendant quelques jours dans la même terre que lui. Je voulais ressembler à mon arbre pour m’épanouir enfin au soleil.

Sur mon répondeur, déjà un message de Louis-Etienne qui voulait me voir ce week-end au golf de Saint Cloud où il avait ses habitudes.

Tant mieux !

Il aurait le temps de faire prendre l’air à son caddie et de s’essayer à ses dix-huit trous.

Je m’en foutais pas mal.

Au club des cons, il l’aurait été assez, cette fois-ci pour rater la présidence ! .

Pas de nouvelles de mon petit beur de service par contre.

Tant pis pour lui aussi.

Avant d’aller à l’aéroport, je déposais dans sa boite aux lettres, le billet d’avion ainsi que mon numéro de portable au cas ou ....

A l’heure de mon émission, décalage horaire compris, je savourais un whisky glace en regardant de ma fe­nêtre d’hôtel l’immensité du désert qui m’attendait.

Fin Juin n’est pas la saison rêvée pour découvrir le Maroc, les allemands en short, les cars bondés de clubs du troisième âge, quelques pédés en mal d’aventures pédo-exotiques.

Malgré tout cela, je goûtais longuement aux joies de ces journées chaudes qui commencent tôt et finissent tard.

Le désert me faisait du bien, il étanchait ma soif de solitude et de grands espaces.

Neufs.

Vierges.

Pas de messages non plus de mon petit marocain de service.

Karim avait-il réellement disparu de ma vie ?

Je ne lui en voulais pas, il avait été pour moi le détonateur.

C’est par lui que m’était parvenue l’envie d’autre chose.

C’est grâce à lui que je m’offrais ces moments de plénitude où je me sentais en parfait accord avec moi-même.

Rien ne me manquait à part lui.

Ni mon boulot ...

Pourtant à Paris tout le monde me cherchait.

Ni le sexe ...

Pourtant ce n’étaient pas les occasions qui manquaient ici !

Mais rien, non rien de rien comme disait la chanson ne m’attirait le regard. Même pas le petit brun qui nettoyait la piscine tous les matins.

Il me montrait ses belles dents blanches par un sourire ravageur qui semblait en dire long.

Etait-ce réellement moi qui l’attirait, ou bien ma carte gold que tout bon étranger était supposé avoir dans ses bagages ?

Tout m’enivrait ici, les odeurs de ces bougainvilliers croisées à chaque détour du grand jardin de l’hôtel.

Les odeurs des épices aussi.

Coriandre, muscade, raz el anhout, douces saveurs exotiques, passeports pour un autre monde de plaisirs olfactifs.

Ici tous mes sens étaient décuplés.

Mes yeux se gavaient de ces couleurs qu’on ne pouvait voir qu’ici et que certains artistes arrivaient à retranscrire dans celles qu’ils donnaient à leurs poteries.
Couleurs, odeurs je vous aurai bien ramenées à paris pour mieux égayer mon décor, pour parfumer ma vie, et me donner l’impression certains jour que comme ici je pouvais arrêter le temps.

Pourtant le temps continuait de s’égrener comme le sable du désert dans ma main.
Paris me réclamait.

Ma messagerie vocale n’en pouvait plus.
Des appels au secours de ma bonne Sophie, qui croulait sous le poids des responsabilités que je lui avais laissées.
Le directeur de la chaîne était furieux. Pour lui je n’avais pas le droit de disparaître ainsi.

Il pensait peut-être que je lui appartenais.
Alors que je n’avais jamais appartenu à personne.

Enfin, puisque la capitale me réclamait à corps et à cri, il fallait bien me résoudre à rentrer.
Je quittais mon petit coin de paradis avec un immense regret et le sentiment que je n’y reviendrai pas de si tôt.

Avec une impression étrange aussi.

Comme si le bonheur était loin de moi.
Comme si je lui tournais le dos.

Je mettais toutes ces étranges sensations sur le compte de mon appréhension de rentrer à Paris.

L’avion avait atterri au dessus d’une ville déjà dans la pénombre et les petites lumières qui scintillaient plus bas me faisaient penser aux petites lueurs pétillantes que j’avais vues certains soirs briller dans les yeux de Karim, lorsqu’il était heureux dans mes bras.

Et vice-versa.

Sensation étrange que de retrouver Paris.

C’était ma ville, mais ce soir je m’y sentais comme un étranger. Au chauffeur de taxi, j’avais donné mon adresse, et puis je m’étais enfoncé dans la banquette arrière.

Je m’étais blotti même, regardant défiler les rues de cette ville que je ne reconnaissais pas.

Tout était différent de ce que je venais de vivre.

Les odeurs n’étaient plus les mêmes.
Paris me prenait à la gorge.

L’odeur me pénétrait le corps, par tous les pores. Les gaz d’échappements, le bitume et des odeurs d’égouts qui remontaient me faisaient penser que cette ville que j’aimais, avait parfois de bien sombres côtés.

Ces grandes avenues semblaient bien petites par rapport à mon désert. Je comprenais maintenant pourquoi parfois mon esprit avait du mal à vagabonder. Les buildings qui m’entouraient, ces immeubles hausmaniens, limitaient mes rêves.
En tournant la clé dans ma serrure je me dis qu’il était temps d’apporter un peu d’oxygène à ma vie.

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