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le blog du nain de jardin masqué
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4 juin 2010

Bonheur en vue.

Chapitre 2 (2/3)

Je me réveillais en sursaut.

Les chiffres rouges de la pendule indiquait minuit deux.

Personne dans l’appartement.

Il n’était pas revenu.

Comme toujours dans ces cas là, je décidais de jouer au con. Je tra­versais Paris à cent à l’heure au volant de ma voiture.

Devant le Keller, il y avait une place, je sonnais prestement à la porte de ce lieu glauque.

Enfin glauque, si l’on n’aime pas le style cuir des bas-fonds de Los Angeles.

Je n’étais pas habillé pour ce genre d’endroit, mais Bobby le patron me pardonnait tout.

Ca sert à cela aussi la célébrité.

Quelques bières et j’étais dans mon élément.

Oublié le petit Karim.

« Selbstverblendung », aurait diagnostiqué mon pote Freud.

Auto-aveuglement, autrement dit.

Je m’abrutissais à nouveau d’alcool, d’odeurs et de sexe, pour oublier celui qui était tellement en moi.

C’est dans les petites cabines noires du fond, avec n’importe qui, que j’essayais de me perdre définiti­vement. Des mains, des corps, des langues se mêlent sans que l’on sache à qui elles appartiennent.

Je me laissais partir jusqu’à l’enivrement, jusqu’au dégout de moi même.

Quand je devenais une bête, le seul mo­ment où je me mettais à genoux devant l’homme.

Qu’auraient dit mon cher public ou mes amis, s’ils m’avaient vu dans cet état, moi toujours si fier et arrogant.

Quand les lumières se rallumèrent, je n’étais pas en­core rassasié, il fallait que j’oublie, encore et encore. Un petit mec genre skin, crâne rasé, rangers et bombers me faisait de l’oeil depuis un moment, je m’approchais de lui.

"Tu veux venir continuer la fête à la maison ?"

Il ne me répondit pas, mais me suivit.

Il voulait diri­ger, et moi je voulais en prendre plein la tronche, histoire de faire un bras d’honneur à mon petit beur.

La nuit fut terrible, j’avais envie de vomir tellement ce que nous étions en train de faire m’écoeurait.

Quand le maître eut gagné la partie, il s’assit sur le bord du pieux, me regarda en souriant, ramassa ses fringues et partit.

Sans un mot.

Sans rien.

Comme une pute après l’abattage.

"Pas frais ce matin le chef !"

Non, Sophie pas frais ce matin.

Une envie de gerber.

Pas à cause de l’alcool, mais plutôt sur moi-même, sur ce que je suis et sur ce que je voudrais être.

"Spéciale Sida ce soir, vous n’avez pas oublié ? Y’aura Rogner le grand spécialiste, les gens d’Act Up et le Ministre."

J’avais tellement oublié tout cela, que la nuit dernière, j’avais joué au con sans protection.

"T’as des préservatifs, pour les montrer à l’antenne ?"

Non je n’en ai pas, je n’en mets pas.

Comble de l’ironie, une heure durant, j’allais exhorter mon public à en mettre, et moi je passais ma vie à jouer avec le feu.

Mais je n’étais pas le seul responsable.

C’est toujours la faute de l’autre.

Dans les rapports hétéro­sexuels, il va de soi que le mâle doit le proposer, même si bien souvent, c’est la femelle qui le fait, à cause de ses instincts maternels de protection.
Mais chez les pédés ?

Où trouver la fibre maternelle ?

L’homo affirme sa virilité, il joue au dur.

Il est fort, donc la bête ne passera pas dans son corps.

Je pensais à tout cela pendant que chacun de mes invi­tés faisaient leur numéro, là bien sûr où on les atten­dait.

Le professeur admonestait.

Les militants militaient à tort ou à raison, mais ils faisaient du bruit. le mi­nistre rassurait.

L’état était là !.

Mascarade hypocrite au nom du saint ruban rouge.

Le professeur avait une maîtresse.
Je reconnaissais certains agitateurs qui s’envoyaient en l’air le soir dans des bouges infâmes sans se soucier du taux de T4 de leur éphémère partenaire.
Et puis le ministre, si­nistre, qui allait le dimanche à la messe se faire par­donner de tout ce qu’il avait fait la semaine du­rant.

Je ne restais pas au pince-fesse, d’après l’émission, je n’en avais rien à foutre d’un ministre, pour qui la santé ne correspondait qu’au nom d’un portefeuille.

D’un plan de carrière.

A la maison pas de nouvelles de Karim.

Des messages de félicitations pour l’émission de ce soir.

Le patron , qui pensait que pour une fois la chaîne avait rempli sa mission d’information auprès du public.

Faux cul.

Si les parts de marché de l’émission avaient été moins bonnes, je n’aurais pas eu le droit de faire cela, j’aurai dû ratisser plus large, en invitant tous les comiques vulgaires à la mode, censés amener beaucoup de public.

Jean s’inquiétait aussi, pas de nouvelles de moi depuis deux jours, il m’avait trouvé triste ce soir, absent de mon débat.

Je n’étais même pas là.

Mes idées voguaient ailleurs, loin d’ici.

Elles déva­laient les pentes de Montmartre, passaient au dessus des quais de Seine, survolaient

la Méditerranée

, et se posaient au Maroc, entre mer et désert.

Sur le sable rouge, au pied des casbahs, dans ces champs de fleurs qui au printemps inondent les paysages de couleurs.

Je rappelai Jean.
"Ça allait pas ce soir le nain? T’avais l’air triste. T’as des problèmes ?"

"Non merci, ça va. Pas d’ennuis, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je travaille comme un fou, vis comme un taré et baise comme un con !"

"Ben dis-moi, la vie est belle."

Elle était belle ma vie.

Fabuleuse même!

"Bouges-pas, j’arrive."

Comme toujours dans ces cas-là, il venait me con­so­ler, me faire la morale.

Lui l’ami fidèle.

Je lui racon­tais tout, mon euphorie de la nuit de

la Saint Jean

, et puis mon désespoir d’hier soir, le bar, le cul.

"Toujours le même, un adulte avec une mentalité de gosse, quand monsieur n’a pas ce qu’il désire, il le cherche par tous les moyens, même les plus dégueu­lasses."

Le pire, est qu’il avait raison.

J’étais un gamin, un sale enfant gâté qui voulait toujours tout, et tout de suite.

Parfois au prix de conneries irréparables.

J’avais prôné ce soir, une heure durant, le port du pré­servatif, et moi j’étais allé m’envoyer en l’air avec le premier inconnu venu.

Ça je n’osais pas le dire à Jean, je crois que pour une fois sa compréhension aurait eu quelques limites.

Il me consolait avec quelques whiskies, me forçant d’admettre que Karim n’était pas un garçon pour moi, et que vu mon statut médiatique, il ne me serait pas difficile de le remplacer.

"Un de perdu, dix de retrouvés."

Oui, mais un de perdu, c’était un de perdu. à force de rater mes carrefours, j’allais finir par me retrouver dans un cul de sac.

Je ne voulais pas devenir une vieille tante en mal d’amour, obligée de se payer des minets à cent sacs la nuit pour se rassurer.

Comme mon collègue M., qui une fois fini le journal tous les soirs, partait rôder dans toutes les boîtes à baise de la ville dans l’espoir de ramener un jeune éphébe en mal de célébrité.

Je le comprenais un peu, car combien avaient baisé avec moi pour voir ce que cela faisait de coucher avec la télé !

Jean me laissa avec mes idées noires et mon lexomil.

Demain il fallait assurer.
Comme d'habitude.

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