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le blog du nain de jardin masqué
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5 mars 2007

"Les beaux jours"

t_moins3C'est ainsi que Téchiné définit l'ambiance et l'époque à laquelle il situe son dernier film "Les témoins".
A la fin de la projection l'autre jour, j'avais les larmes aux yeux.
Comme un con, je me suis mis à sortir toutes les larmes de mon corps.
Non pas parce que les film est beau, émouvant, juste et sincére, sans jamais sombrer dans le pathos.
Je me suis simplement mis à pleurer, parce que j'avais en face de moi une partie de mon existence.
Beaucoup de pédés de mon âge vont sans doute se reconnaître.
Tous ceux qui de près ou de loin ont eu un rapport avec cette maladie.
Tous ceux qui comme moi ont perdu des êtres chers, ou qui ont vu mourir des inconnus.
Le pitch du film ?
Paris, le bel été 1984. Manu (l'énorme Johan Libéreau)  débarque à Paris, où il partage la chambre de sa soeur Julie ( Julie t_moins1Depardieu) dans un hôtel modeste. Un soir de drague dans ces jardins du Trocadéro où les mecs tournent, se frôlent, se sucent dans une ronde permanente, il rencontre Adrien (Michel Blanc), un homme plus âgé qui s’éprend de lui et avec lequel il sympathise. Il ne se passera rien entre eux, mais Adrien, parce qu’il est médecin, jouera un rôle essentiel dans cette histoire : c’est lui qui épaulera Manu, le soignera, l’accompagnera vers la mort lorsque le sida aura rattrapé le jeune homme.
Au cours d'une ballade en bateau, Adrien présentera à Manu Sarah (Emmanuelle Béart) et Mehdi (Sami Bouajila), un couple de jeunes mariés qui vient d'avoir son premier enfant.
Une passion amoureuse imprévue et l'irruption de l'épidémie du sida, encore perçue dans les médias et l'imaginaire collectif comme une peste moderne et honteuse vont bouleverser le tranquille agencement de ces destins particuliers. Chacun va devenir acteur et témoin d'un drame contemporain, où ceux qui ne mourront pas ressortiront peut-être plus forts, mais en tout cas pas indemnes.
Pas indemne comme moi.
Téchiné a bâti son film comme un reportage.
Comme un devoir de mémoire.
Comme un souvenir que l'on voudrait voir enfoui au plus profond de son inconscient.
Un film qui a réveillé en moi les images de ce SIDA de la fin des années 80, début 90.
A l'époque, sans doute déjà titillé par une homosexualité présente en moi, mais que je refoulais, je me suis passionné pour cette maladie.
J'avais décidé de me servir de mes reportages pour donner un autre éclairage à ce fléau.
Le rendre humain.
En 1992 encore, il était difficile de faire croire aux gens que le SIDA n'était pas une maladie réservée aux homosexuels.
"Le cancer gay" comme on l'appelait.
Il a fallu le drame du sang contaminé pour que certains se rendent compte que des femmes, des enfants pouvaient en mourir.
Je me souviens d'Act Up.
De ma première Gay Pride à suivre des malades qui trouvaient quand même la force d'aller afficher leur différence.
Je me souviens de ce garçon dont j'ai suivi les derniers jours.
Il est mort le matin de la diffusion de son portrait sur la chaîne pour laquelle je travaillais à l'époque.
Je souviens de l'avoir quitté, le corps sans vie, comme aspiré de l'intérieur, la mâchoire maintenue par une band,e la douleur et la rédemption marquant son visage.
Et puis moi, quelques heures plus tard, dans une salle de montage en train de visionner les image de cet homme a nouveau vivant et sourtiant.
Nous avons décidé avec la chaîne et la famille de diffuser le reportage avec un bandeau disant que depuis il était parti entouré des siens.
Entouré, mais de loin.
Car oui j'ai vécu aussi tout cela.
Le déni des familles
L'abandon, l'oubli.
Certains apprenant à la fois l'homosexualité de leur enfant et leur maladie.
Tout comme Téchiné, j'ai un peu l'impression d'avoir échappé à mon destin.
Comme le dit la mère de Sarah, " c’est un miracle d’être vivant ".
Mention spéciale à tout le monde.
Aux acteurs, au réalisateur, à la musique aussi.
Pour nous fans des Follivores et des années 80, on y retrouve tout aussi.
Du plus kitsch au meilleur.
On y entend notamment à plusieurs reprises le tube de l'époque des Rita Mitsouko Marcia Baïla, un titre sans doute pas choisi au hasard : en dépit de l'allégresse du rythme et de la truculence de la chanteuse, Catherine Ringer, ce morceau évoque une autre maladie grave, le cancer, qui emporta la jeune chorégraphe Marcia Moretto
Coup de chapeau à Téchiné qui sait toujours trouver le visage nouveau en qui chacun va pouvoir se reconnaître. Tout comme t_moins2autrefois avec Gaël Moreau ou bien Manuel Blanc.
Ici c'est Johan Libèreau qui prête son visage angélique à Manu.
Il est éclatant du début à la fin.
Souriant, insouciant, accablé par la maladie aussi...
Juste avec Michel Blanc, trop vrai avec Sami Bouajila.
Même Emmanuelle Béart arrive pour une fois à nous faire oublier ses lévres silliconées.
Alors en conclusion, peu de films avant Les Témoins avaient osé aborder frontalement la question du Sida. Il y avait eu en 1990 Merci la vie de Bertrand Blier, sur un mode beaucoup moins réaliste (mais avec déjà, entre autres, Michel Blanc),
Les Nuits fauves, film autobiographique de et avec Cyril Collard en 1992, J'ai horreur de l'amour de Laurence Ferreira Barbosa avec Laurent Lucas en 1997, N'oublie pas que tu vas mourir de et avec Xavier Beauvois (qui fut un assistant de André Techiné, et joue d'ailleurs le rôle de l'éditeur d'Emmanuelle Béart dans Les Témoins) ou encore les deux comédies d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau Jeanne et le garçon formidable (1998) et Drôle de Félix (2000). Le héros de ce film n'était autre que Sami Bouajila, l'un des héros des Témoins.
La boucle est bouclée...
Pas forcément la mienne...
La plaie est toujours là.
Pas vraiment refermée.
Il y a encore une projection demain soir.
Doit bien me rester quelques larmes.
Toutes celles que je n'ai pas versées à l'époque non par manque d'humanité.
Juste parce que pas assumées, tout comme je ne l'étais pas moi-même.
Assumé !

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